samedi 23 mai 2009

Démographie de l'au-delà

D'aucuns se sont préoccupés de connaître le statut thermodynamique de l'enfer. En attendant de s'y rendre et de savoir si Theresa a eu raison de rembarrer Tim ainsi, je vous propose aujourd'hui une autre interrogation de prime importance.

En une phrase: Y a t'il plus de personnes vivantes actuellement qu'il n'y a eu de morts jusqu'à présent?

Tout d'abord, la question est de prime importance. Imaginez, demain c'est la guerre entre l'au-delà et ici-bas. La première des choses qu'on aimerait savoir, c'est le camp qui a la supériorité numérique. De plus, il serait fort agaçant d'être pris au dépourvu par un ami qui voudrait parier contre vous sur l'issue de ce combat improbable. Et la question n'est pas si triviale qu'on pourrait passer dessus comme on roulerait sur un joli poussin jaune au milieu de l'autoroute sans même tenter de l'éviter.

En effet, prenons un modèle très grossier pour s'en convaincre. Considérons la démographie humaine comme une suite de générations de tailles exponentielles $(2^i)_i$. À la $n$-ième génération, on se retrouve avec $\sum_0^{n-1}{2^i}=2^n$ décès en tout et pour tout, soit exactement la taille de la génération $n$ en cours. Maintenant que vous êtes convaincus que le problème en est effectivement un, aventurons nous dans un modèle un tantinet plus réaliste, tout en restant très simple.

Soit $p(t)$ la population à un instant $t$. Son évolution est régie par le nombre de naissances $n(t)$ moins le nombre de décès $d(t)$ à ce même instant $t$. Parce que nous préférons travailler avec des taux, on note $\alpha=\frac{n}{p}$ le taux de natalité et $\beta=\frac{d}{p}$ le taux de mortalité. On se trouve donc avec l'équation différentielle suivante:

$\dot{p}=(\alpha_t-\beta_t)p$

Bien sûr, si nous avions toutes les statistiques de la mortalité et la natalité depuis le "début" (c'est quand ça?) de l'humanité, il ne serait pas très coûteux de faire une petite résolution numérique de cette équation. À défaut d'avoir ces données, on peut néanmoins montrer une proprieté basique de ce système. Notons $\Delta(t)$ la différence entre la population à un temps $t$ et le nombre total de morts à ce même temps. On a par définition:

$\Delta(t)=p(t)-\int_0^t{\beta p}$

Tous calculs faits, $\Delta$ varie comme:

$\dot{\Delta}=(\alpha-2\beta)p$

Voici donc le résultat. Si on a pendant une période "suffisante" $\alpha > 2\beta$, alors on finira par avoir plus de vivants que de morts. Inversement, si $\alpha < 2\beta$, les morts seront toujours en supériorité numérique (exponentielle avec le temps). Concrètement parlant, dans un modèle de familles/générations, 4 enfants par couple bi-parental est un minimum pour maintenir l'écart de population entre les vivants et les morts constant. Au dessus: on est plus nombreux que les morts, en dessous, on est écrasé numériquement. Mais il n'y a guère que dans certaines transitions démographiques que l'on observe un tel écart entre natalité et mortalité.

En France, on n'a pas non plus de tels écarts. Conclusion 1: l'au-delà a indéniablement la supériorité numérique. Mais à quoi bon pour une guerre s'il n'est peuplé que de nourrissons et de vieillards? Conclusion 2: la réincarnation n'existe pas en tant que telle, sauf si vous supposez que les âmes se diluent au cours du temps.